Cette semaine nous vous proposons l’interview de Nadège, une élève assidue de nos cours de Wing Chun Self defense à Nantes. Elle nous raconte sa rencontre avec les arts martiaux et à quel niveau la self defense est utile lorsque l'on est une femme.
Peux tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Nadège, j’ai 31 ans, je suis praticienne en thérapie manuelle à Nantes.
Comment as-tu découvert le Wing Chun ?
Au départ ayant un vif attrait envers la culture indienne, par le Kalarippayatt (art martial traditionnel du Kerala (n.d. Etat Indien)) je ne trouvais pas de club enseignant le Kalari à Nantes. Dans le Kalari, les bons praticiens sont aussi soigneurs, je suis assez proche de cette dimension et de cette quête : deux savoirs en apparence contradictoires mais avec un point de vue de l’équilibre des forces du vivant qui se marient très bien.
Qu’est ce qui t’a amené à pratiquer la self-défense ?
Un besoin physique de mettre le corps en mouvement, et une quête personnelle d’aptitude à faire face dans la vie, à chercher en moi de la combativité, à dépasser mes limites, me battre contre moi-même, pour progresser, affronter le monde, me faire une place. J’avais besoin de mettre en physique cette énergie de transcendance que l’on trouve au travers des arts martiaux et du combat. Je sentais un besoin vital de me canaliser et de discipline interne
« Le wing chun comprend aussi une dimension énergétique, posturale et une éducation à la sensibilité tactile. »
As-tu testé d’autres disciplines avant le Wing Chun ?
Oui, j’ai testé le shorinji-kempo, le Kali Escrima, le pencak silat, le kyusho juitsu…
j’ai cherché ce qui pouvait me plaire et me suis gavée en cours d’essais !
Te rappelles tu de ton premier cours ?
J’étais venue accompagnée, je n’osais pas faire le premier pas vers le cours seule. Je me suis sentie très vite à l’aise, mon émotivité handicapante m’a fichue la paix pendant cette heure et demi, c’était une bonne respiration. J’ai aimé la pédagogie de l’enseignant, l’esprit d’entraide à l’apprentissage qui régnait auprès des anciens, la variété du cours. J’ai passé un super moment. J’avais enfin poussé une porte pour apprendre un art martial. Le soir, j’ai dit à la personne qui m’accompagnait que j’allais m’inscrire dans ce club, et que j’irai seule aux cours.
Qu’est ce que tu apprécies dans le Wing Chun ?
La courte distance est fantastique et pour une femme, c’est une arme redoutable. En cas d’agression physique, si l’agresseur est un homme, la sphère d’agression va majoritairement être rapprochée. Ce qui pourrait être pour les femmes qui pratiquent assidûment le Wing Chun, un avantage. Le travail se fait sur plusieurs distances et ne se limite pas à du combat rapproché. Il n’y a pas trente six mille katas comme au karaté, l’encyclopédie de gestes de bases est accessible, tout en offrant des possibles illimités, ce qui facilite davantage l’apprentissage technique.
Le wing chun comprend aussi une dimension énergétique, posturale et une éducation à la sensibilité tactile. C’est un art martial complet, qui constitue une excellente base martiale. La force physique n’est pas non plus une limite absolue.Tactique, vivacité, technicité sont importantes, et, avec un travail assidu et un conditionnement physique adéquat, peuvent être un atout.
Cet art martial permet de développer notre combativité, persévérance et concentration.
« La différenciation sexuée n’est pas handicapante sur tatami, quand l’enseignement est qualitatif, et les compagnons martiaux ouverts. »
Combien de fois t'entraînes-tu par semaine ?
Au minimum deux fois, et j’essaie de pratiquer un peu chez moi aussi quand je prends le temps, le siu lim tao, et d’autres techniques vues en cours pour m’aider à les mémoriser. Des praticiens confirmés m’ont fait comprendre que c’était un moyen pour progresser. Participer aux stages aussi, et essayer de multiplier les occasions de pratiquer cet art martial m’aident à faire des progrès personnels sur la pratique.
Si tu devais décrire les cours en trois mots quels seraient-ils ?
Soucis du concret, richesse du contenu, variété du contenu.
Etait ce difficile de s’intégrer dans un groupe majoritairement composé d’hommes ?
Il faudra demander à mes collègues masculins s’il leur était difficile de supporter une minorité de femmes… (rires) . En vrai, la différentiation sexuée n’est pas handicapante sur tatami, quand l’enseignement est qualitatif, et les compagnons martiaux ouverts : il y a des cons partout, sur le tatami, on met la bêtise de côté, et on progresse ensemble.
Il est vrai que parfois je pense qu’il serait davantage délicat pour des collègues masculins de faire face à l’à priori ancré dans l’inconscient collectif (je ne vais pas taper une femme,la femme est fragile…) et qu’il m’est arrivé de dire à certains à l’entraînement avec bienveillance (et des fois agacements! (rires)) qu’ils ne devaient pas hésiter à faire preuve de physique car c’est aidant pour tous, pour se préparer et s’entraîner de la meilleure des façons.
J’aimerais rencontrer davantage de sifus femme pour aider à me projeter avec mon corps féminin et ses potentialités différentes. Un apprentissage martial se modélise aussi en conséquence, c’est une richesse et une recherche supplémentaire dans l’apprentissage à fournir pour les femmes, qui est vraiment pertinente.
« La limite du physique se trouve et se contourne. »
C’est une discipline qui peut paraître violente en apparence, que pourrais-tu dire aux femmes qui hésitent à se lancer ?
C’est une discipline où l’on peut effectivement se blesser. Le risque n’est pas nul. Rien n’est sans risque et quitte à me blesser je préfère que ce soit sur un tatami en exerçant une activité que j’aime, plutôt que lors d’un bête accident domestique.
Quand je me suis inscrite, j’en ai parlé à des femmes de mon entourage : 3/4 d’entre elles avaient subi des agressions à caractère sexuel par des hommes, sans potentialité de réactivité ou défense. L’éducation martiale, peu importe le sexe, est un devoir. Je pense que les arts martiaux devraient être enseignés dès l’école, pour nous apprendre à tous à faire face à une agression. La self Defense est une vraie arme en particulier lorsque l’on est une femme. Apprendre à être en mesure de réagir, voire de défendre son corps ou celui de ses proches en situation de danger. C’est aussi un bon moyen d’augmenter sa confiance en soi.
Je suis allée dans des clubs ou j’étais la seule femme praticienne, j’en garde des souvenirs d’accueil exceptionnels et je regrette de n’avoir pu avoir à ces moments de collègues praticienne femme pour pouvoir les partager.
Maintenant que tu connais plus la discipline quels sont tes objectifs d’apprentissage ?
Je veux progresser avant tout en sparring, réussir davantage à utiliser les techniques de wing chun proprement. Je veux réussir à apprendre et réaliser correctement Chum Kiu cette année, avoir des gestes plus précis, améliorer ma coordination… Mais avant tout progresser dans le combat.
« Je me sens plus à l’aise dans mes interactions sociales, dans mon corps. «
As tu observé des changements concrets dans ta vie de tous les jours depuis que tu pratiques la self défense ?
Je suis allée m’entraîner à paris plusieurs fois dans différents clubs, avec des personnes que je ne connaissais pas, démarche que je n’aurais jamais osé tenter seule auparavant.
Je me sens plus à l’aise dans mes interactions sociales, dans mon corps.
J’ose beaucoup plus. Mon émotivité me fiche davantage la paix, même si c’est encore mon combat.J’ai gagné de la confiance, du calme, du centrage, au quotidien.
Je progresse au niveau de mon cheminement. Ce sont des petites victoires sur soi qui m’épanouissent au quotidien.
Je découvre une notion de fratrie,d’entraide à l’apprentissage dans le sport de combat.
Accessoirement j’ai perdu 10 kilos, j’ai bien plus la forme , et c’est chouette..